Chapitre 14 Motricité volontaire et plasticité cérébrale

Introduction

Le reflexe myotatique est un exemple de commande involontaire des muscles. Les muscles peuvent aussi être commandés par la volonté : dans ce cas, il y a intervention des structures cérébrales. Des accidents ou des  anomalies affectant le système nerveux central peuvent d’ailleurs se traduire par des disfonctionnements musculaires. Cependant, suite à une lésion, le système nerveux fait preuve de facultés de récupération parfois étonnantes.

I De la volonté au mouvement

A/ Des aires cérébrales spécialisées 

L’exploration du cortex cérébral d’un sujet est aujourd’hui réalisable grâce aux techniques de l’imagerie médicale. L’IRM (imagerie par résonnance magnétique) est une technique permettant d’obtenir des images anatomiques du cerveau correspondant à des coupes virtuelles ou en 3D, avec une précision inférieure au millimètre. Il est non seulement possible de visualiser chez une personne les structures cérébrales avec une grande précision mais aussi de déterminer les variations d’activité de certaines zones lorsque le sujet effectue une tâche déterminée (IRM fonctionnelle ou IRMf).

Irm fonctionnelle

http://portail.cea.fr/comprendre/Pages/sante-sciences-du-vivant/essentiel-sur-imagerie-medicale.aspx

 

 

 

Il apparait ainsi que les territoires du cortex cérébral (partie superficielle du cerveau) sont systématiquement associées à l’exécution d’un mouvement volontaire : ce sont les aires motrices primaires et les aires prémotrices.

Les aires motrices primaires (situées dans chaque hémisphère cérébral) commandent directement les mouvements. Des explorations précises ont permis de dresser une cartographie de l’aire motrice primaire : chaque partie du corps humain est associé à un territoire défini du cortex cérébral qui assure sa commande motrice. Il est intéressant de constater que les parties du corps douées d’une mobilité importante ( main bouche etc..) « occupent » une surface relativement importante de l’aire motrice.

 

Ch16 3

Bordas, Terminales S, 2012

Les aires prémotrices quant à elles jouent un rôle dans la planification de l’exécution du mouvement. D’autres territoires du cerveau situés plus en profondeur, et dont la dégénérescence est à l’origine des symptômes de la maladie de parkinson, sont également impliqués dans la commande des mouvements volontaires.

 

Aires motrices premotrices

 

L'aire mortice est découpées en différentes parties s'occupant chacune d'une partie du corps. On représente l'importance des différents territoires du cortex moteur par un "Homonculus moteur".

Homonculus signifie en latin "petit homme". En médecine, l'homoconlus désigne la représentation, sous forme d'une silhouette humaine, de l'importance qu'occupe chaque fonction de l'organisme dans le cerveau. On distingue principalement deux types d'homonculus : l'homonculus somatosensoriel et l'homonculus moteur. Ce dernier se base sur la place accordée au contrôle et à la gestion de chaque muscle par le cortex cérébral. Sachant que la plus grande partie du cortex cérébral s'occupe des muscles du visage et des mains, la silhouette obtenue est difforme. L'homonconlus moteur est ainsi représenté avec de très grandes mains et une grosse tête, sur un tronc fluet. Jambes, bras et pieds sont de petites tailles.

 

L'aire somatosensorielle et son homonculus :                                  L'aire motrice et son homonculus  :

                          Homoncul

http://www.cafe-sciences.org/billets/tag/homonculus/

Ci-dessous : Aire motrice à gauche et aire somatosensorielle à droite ( informations sensorielles provenant de la surface du corps) :

http://tecfa-bio-news.blogspot.fr/2009/05/cest-lintention-qui-compte.html

Motorsomato

 

Les deux aires communiquent entre elles afin d'adapter la réponse motrice aux stimulations de l'environnement :

 

Aires

 

 

B/ les voies motrices 

Les messages nerveux qui partent du cerveau cheminent par des faisceaux de neurones et descendent dans la moelle épinière. A différents niveaux, ces neurones sont en connexion synaptique avec les motoneurones. Ces voies motrices sont croisées de telle sorte que la commande des mouvements volontaires est controlatérale : c’est l’aire motrice de l’hémisphère cérébral droit qui commande la partie gauche du corps, et inversement.

 

ci-dessous :IRMf   Modèle statistique des effets obtenus pour le contraste « clic main gauche / clic main droite » sur 81 sujets ; Valeurs de z associées au test RFX (Random effects). 

 

Clic main gauche versus main droite

http://acces.ens-lyon.fr/acces/ressources/neurosciences/Banquedonnees_logicielneuroimagerie/test-architecture-neuropeda/fiches-pedagogiques/1-irm/1-3-imagerie-fonctionnelle/1-3-1-sensibilite-motricite/1-3-1-1-motricite/1-3-1-1-motricite

On constate nettement que la zone motrice controlant le clic de lamain gauche se situe dans l'hémisphère cérébral droit. Cela signifie bien que les voies motrices croissent le plan de symétrie bilatérale.Il en est de même pour les voies somatosensorielles.

 

 

Voie somatosensorielle ou voie ascendante                                                                                       Voie motrice ou voie descendante

5718792                              Ch16 4

          http://www.corpshumain.ca/Touche.php                                                            Manuel de SVT de terminale Bordas 2012

 

 

 

C/Les lésions qui se traduisent par des dysfonctionnements musculaires

Un accident vasculaire cérébral ou AVC est un trouble de la circulation sanguine irriguant un territoire du cerveau. Le terme d’accident est utilisé pour souligner le caractère soudain de l’apparition des symptômes : il peut en effet arriver qu’un caillot obstrue subitement une artère cérébrale ou bien que la paroi d’un vaisseau sanguin se rompe, provoquant alors une hémorragie cérébrale. La partie normalement irriguée par ce vaisseau cesse alors de fonctionner. On comprend aisément que si une partie d’une aire motrice est atteinte, la conséquence en soit une paralysie : on parle d’hémiplégie lorsque la paralysie touche une partie du corps située d’un seul côté du corps.

Des lésions accidentelles de la moelle épinière, dues cette fois-ci à un choc violent (accidents de la route, chute etc..) peuvent aussi entrainer des paralysies : le territoire concerné dépend notamment du niveau de la moelle épinière concerné par la lésion. On parle de paraplégie lorsque la paralysie concerne les membres inférieurs et la partie basse du tronc. 

 

IRM montrant une compression de la moelle épinière au niveau des vertèbres cervicales (du cou)  à gauche et une lésion de la moelle épinière à droite

Irm lesion cervicale       Lesion moelle epiniere

 

 

Enfin une compression des racines des nerfs rachidiens (due par exemple, à une hernie discale) peut aussi se traduire par des troubles moteurs.

Le disque intervertébral  est une structure présente entre chaque vertèbre. Il confère à la colonne vertébrale de la souplesse et a un rôle d’amortisseur.  Il est constitué d’un noyau central appelé noyau pulpeux, constitué à 80% d’eau.  Le noyau est entouré de cartilage fibreux appelé anneau fibreux.

Il arrive que le disque s’use, les fibres de l’anneau fibreux  se détériorent et le noyau se répand dans les fissures : c’est la hernie discale.

Les hernies discales touchent le niveau lombaire le plus souvent, le niveau cervical parfois, le niveau thoracique très rarement.

Hernie discale

http://www.chiro-creteil-herpin.fr/hernie/hernie-discale/

 

II La plasticité cérébrale

A/ des variations individuelles 

Dans ses grandes lignes, l’organisation du cerveau et notamment du cortex est la même pour tous  les individus : c’est une caractéristique propre à chaque espèce. Cependant, la comparaison des cartes motrices de plusieurs individus révèle l’existence de variations : nous n’avons pas tous le même cerveau. Ces différences interindividuelles ne sont pas innées : elles s’acquièrent au cours du développement par apprentissage des gestes. Même chez l’adulte, les effets d’un entrainement moteur se traduisent pas une amélioration des performances que l’on peut associer à une extension de l’aire motrice concernée. De façon assez surprenante, de telles modifications peuvent être obtenues rapidement et ne sont pas nécessairement durables. C’est ce qu’on appelle la plasticité cérébrale.

 

Ch16 6

Bordas, terminales S, 2012

 

 

B/ D’étonnantes capacités de récupération. 

A la suite d’un AvC, il subsiste en général dans le cerveau, une zone nécrosée, c'est-à-dire irrémédiablement détruite. Cependant, on constate la plus souvent une récupération du déficit moteur. Cette faculté de récupération est bien entendue limitée par l’importance de la lésion mais elle dépend aussi beaucoup de la mise en œuvre rapide d’une rééducation. Cette récupération progresse sur une durée de quelques semaines à quelques mois. Mais elle ne correspond pas à une remise en service de la zone lésée. Les IRM ont démontré que cette récupération repose sur différents remaniements, impliquant des territoires situés dans les deux hémisphères. 

Ch16 9

Belin , Terminales S, 2012

 

 

La plasticité cérébrale permet une récupération parfois étonnante : ainsi plusieurs années après une amputation, le cerveau d’un patient peut se réapproprier le contrôle d’une main greffée !

Greffe

Vue horizontale du cortex cérébral du patient greffé. A gauche, on remarque qu'avant la greffe une contraction des muscles contrôlant la main droite active la région du visage mais pas la région de la main. A droite, la même contraction musculaire six mois après la greffe active l'aire de la main.

http://www.cnrs.fr/cw/fr/pres/compress/ReorgCerebrale.htm

 

Carte d'activation dans l'aire M1 obtenue lors de mouvements de la main : vue coronale reconstruite des aires droite et gauche dans le système de coordonnées de Talairach

Le corps est représenté dans le cerveau de manière inversée. Sur l'image de gauche sont rapportées les activations dans le cortex moteur primaire (M1) gauche qui contrôle les mouvements de la main droite, et inversement sur l'image de droite. En rouge, les activations obtenues lors de l'examen effectué avant la transplantation ; en bleu, six mois après et en vert, la zone de recouvrement entre les deux examens.

Homoculus croise

http://acces.ens-lyon.fr/acces/ressources/neurosciences/cerveau-et-motricite/motricite-et-plasticite-cerebrale/une-mise-en-evidence-de-la-plasticite-du-cortex-moteur

 

La plasticité dont fait preuve le cerveau est porteuse d’espoirs. En effet, on a longtemps cru que les  neurones ne pouvaient se renouveler. Or des études récentes montrent que certaines zones du cerveau sont pourtant capables de produire de nouveaux neurones, y compris chez l’adulte et que ces nouveaux neurones peuvent s’intégrer à un réseau existant. Ceci permet d’envisager à terme, des possibilités de traitement des maladies dites neurodégénératives, c'est-à-dire liées à une destruction de certains neurones. Cependant à l’heure actuelle, l’intervention d’une production de nouveaux neurones pour réparer un tissu lésé n’est pas établie : les neurones sont un capital à préserver et à entretenir.

III Le rôle intégrateur des neurones

A/ des réponses motrices intégrées

Par une étude expérimentale du réflexe myotatique, il est facile de montrer que l’amplitude de la réponse musculaire varie en fonction des conditions dans lesquelles le sujet est placé.

Des messages provenant des centres nerveux supérieurs (cerveau) peuvent modifier l'amplitude de la réponse réflexe normale ( courbe bleue)

En effet une contraction volontaire du jambier antérieur (fléchisseur) inhibe le muscle antagoniste extenseur: l'étirement de celui-ci par percussion du tendon d'Achille se manifeste par une atténuation, voire une abolition du réflexe achilléen (courbe violacée sur l'enregistrement ci-dessous).

Les motoneurones sont donc capables d'intégrer deux informations contradictoires: l'excitation provenant des récepteurs musculaires étirés et l'inhibition d'origine cérébrale.

A l'inverse, si l'on utilise la manoeuvre de Jendrassik (méthode qui consiste à favoriser le réflexe en saisissant ses deux mains par les doigts fléchis et en les tirant de toutes ses forces) on constate une augmentation de l'amplitude de la réponse musculaire (courbe en vert ci-dessous).En effet tout ce qui peut distraire le sujet a tendance à augmenter l’amplitude de la réponse réflexe. DE même, si l’on exerce une extension des avant-bras, les reflexes rotuliens ou achilléens sont en général de plus forte amplitude.Ceci montre bien que si la contraction du muscle répond bien au stimulus (le choc porté sur le tendon), elle tient aussi compte d’autres infos reçues simultanément : c’est ce qu’on appelle l’intégration.

 

Enrracd

http://mtkfr.accesmad.org/QuickPlace/accesmad/PageLibrary85256EA100360389.nsf/h_Index/055E1F65A6A52456C12572F900771EEC/

Ces expériences témoignent du fait que les réflexes, s'ils font partie du patrimoine génétique de l'individu - ce que l'on nomme instinct chez l'animal - peuvent être modulés par l'intervention des centres encéphaliques.

 

 

B/ Synapses excitatrices et synapses inhibitrices

Toutes les synapses ont un principe de fonctionnement identique, mais selon le neurotransmetteur qu’elles libèrent, les synapses peuvent avoir des effets opposés sur le neurone post-synaptique :

  • Certaines synapses sont dites excitatrices car le neurotransmetteur libéré a tendance à faire naître un nouveau message dans le neurone post-synaptique en créant au niveau de la membrane post-synaptique un potentiel post synaptique excitateur (PPSE)
  • D’autres en revanche, sont qualifiées d’inhibitrices car leur neurotransmetteur empêche ou rend plus difficile l’émission de potentiels d’action par le neurone post-synaptique en créant au niveau de la membrane post-synaptique un potentiel post synaptique inhibiteur (PPSI)

voir chapitre précédent.

 

C/ l’intégration de plusieurs messages

Dans un centre nerveux, un neurone peut recevoir des informations provenant de nombreux autres neurones par les milliers de terminaisons axoniques  (taches noires sur photo)qui sont en contact synaptique avec ses dendrites ou son corps cellulaire.

  Double marquage neurone 1 300x200   Synapses axo bis

Inserm / U339

 

C’est notamment le cas des neurones de la moelle épinière. A tout instant, le motoneurone est soumis à l’influence des multiples synapses, certaines excitatrices, d’autres inhibitrices. Le corps cellulaire du motoneurone ainsi soumis à une pluie de neurotransmetteurs, doit intégrer ces informations, qui se renforcent ou s’opposent c'est-à-dire en faire la somme algébrique.

Cette sommation prend en compte les informations arrivant successivement d’un neurone pré-synaptique donné si les messages sont suffisamment raprochées : on parle de sommation temporelle.

L’intégration prend également en compte les messages arrivant au même moment de différents neurones pré-synaptiques : on parle de sommation spatiale.

Si le résultat de cette sommation est une excitation suffisante, des potentiels d’action sont émis au niveau de son axone. Sinon le neurone reste au repos. Ainsi grâce à ses propriétés intégratrices, le motoneurone émet un message nerveux moteur unique tenant compte des multiples informations de diverses provenances. La fibre musculaire, en revanche, ne reçoit un message que d’un seul motoneurone : contrairement au motoneurone, une fibre musculaire n’a aucune capacité d’intégration.

Cette fonction intégratrice des neurones joue un rôle essentiel dans le traitement des messages qui transitent à tout instant dans un centre nerveux.

Diapositive14 18

Diapositive15 19

 

Fiche de révision à télécharger

Cours condensés !



Modifié le: Thursday 23 April 2020, 00:56