Présentation: Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875

Partie 1

Partie 1

Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1875

Introduction

Idéologie : une approche renouvelée au XIXe siècle

C’est vers le milieu du siècle que la notion d’idéologie se précise et s’enrichit. La pensée scientifique qui imprègne peu à peu tous les domaines de la réflexion, donne une consistance nouvelle à toutes les analyses économiques et sociales, et pas seulement à la philosophie. Selon ces principes, Karl Marx renouvelle en profondeur le concept, il y introduit une dimension supplémentaire, celle l’appropriation d’un système d’idées, de croyances par un groupe social donné, ce qui fait alors de l’idéologie un instrument au service de ses intérêts particuliers. Il considère que l’organisation économique de l’époque, le capitalisme industriel, contrôlé par la bourgeoisie qui détient l’argent et les moyens de production (le capital) est aussi un système d’exploitation d’une classe sociale, le prolétariat (les ouvriers) par une autre, la bourgeoisie. Cette dernière impose des salaires très faibles en dédommagement d’un travail dont les revenus réels représentent une différence assez importante par rapport à ce qui est versé, la plus-value, d’où un enrichissement constant et une mainmise permanente sur les outils de production. Le libéralisme ainsi décrit par Karl Marx repose donc sur la liberté économique des uns, les bourgeois capitalistes, dont les objectifs sont tournés vers une production toujours plus importante porteuse de bénéfices considérables partagés de façon très inégale. Ce système libéral est à peine encadré par un État qui doit être le moins contraignant possible pour ne pas entraver la bonne marche des affaires, au contraire, les responsabilités politiques y sont confiées à des représentants de la bourgeoisie dont ils doivent défendre les intérêts en toutes circonstances, en réprimant par exemple la moindre tentative du prolétariat pour obtenir quoi que ce soit. Karl Marx va plus loin, il estime que la domination de la bourgeoisie s’étend aussi aux croyances religieuses, puisque le christianisme enseigne le bonheur dans l’au-delà, ce qui est un moyen de maintenir le statu quo présent.

Dans ce contexte, une société plus juste ne peut émerger que par la révolution, c’est-à-dire le renversement de la bourgeoisie par le prolétariat, soit une nouvelle étape de la lutte des classes (sociales), véritable moteur de l’Histoire selon Karl Marx. Dans un premier temps, les révolutionnaires (prolétaires) doivent mettre en place une dictature du prolétariat qui a pour tâches l’abolition de la propriété privée et la collectivisation des moyens de production, c’est la phase socialiste de la révolution, c’est-à-dire une transition qui doit conduire, par paliers successifs, à la mise en place du communisme, un système où la propriété privée serait supprimée, chacun serait rémunéré selon ses besoins et où, à terme, l’État n’aurait plus de raison d’être.

Des mises en pratiques inabouties ?

L’ensemble des idées développées par Karl Marx constitue le marxisme que les mouvements politiques de gauche vont adopter partiellement ou dans sa globalité, mettant toujours au cœur de leurs revendications la défense des intérêts du prolétariat, c’est-à-dire du monde ouvrier. Les différentes interprétations du socle de références marxistes vont opposer dès la fin du XIXe siècle et aux débuts du XXe siècle, les socialistes réformistes qui ne remettent pas en cause la démocratie telle qu’on la conçoit depuis la Révolution française aux socialistes révolutionnaires qui veulent aller plus loin dans la lutte politique. Plus tard, les socialistes vont s’opposer aux communistes engagés en Russie à partir de 1917 dans un processus de refonte totale de l’économie, de la société et de l’État où les préceptes de Lénine ont donné naissance au marxisme-léninisme. Toutefois, nulle part en Europe, ni même en Chine après 1949 où le maoïsme (doctrine communiste élaborée par Mao) s’impose, le dernier stade imaginé par Karl Marx n’est atteint, ce qui tend à justifier l’association les notions d’idéologie communiste et d’utopie, voire à les confondre !

Le plus souvent, c’est le socialisme qui s’est substitué au schéma d’origine, se transformant en cadre idéologique au sens large et le terme « communisme » est devenu, lui, par la force des choses, une donnée exclusivement politique désignant un parti précis (parti communiste). Dans tous les pays d’Europe occidentale, le socialisme a inspiré bon nombre de partis politiques et de syndicats (en Allemagne, en Italie, en France….) tout au long des siècles où l’industrie a tenu une place prépondérante dans l’économie. À noter toutefois que pour ces associations de défense des travailleurs (les syndicats), la prise du pouvoir politique n’est pas toujours la priorité absolue.

La pensée marxiste s’inscrit dans une optique universelle englobant les travailleurs du monde entier et tous les mouvements socialistes (ou partis) se rattachaient à cet objectif au cours des rassemblements périodiques qui réunissaient tous les délégués (Ière, IIème Internationales). La dimension nationaliste semblait exclue, tout au moins jusqu’à la fin des années 1920 où elle ressurgit en Union Soviétique quand l’idéologie prend le nom de stalinisme : l’État et la Nation redeviennent des composantes politiques essentielles aux yeux du nouveau dirigeant Joseph Staline qui met à l’ordre du jour l’achèvement de la révolution dans un seul pays.

L’ère des idéologies est-elle révolue ? D’aucuns voudraient s’en persuader, mais, peut-on écarter totalement l’idée d’un nouveau changement de sens ? Doit-on tenir pour négligeable l’idée qu’on a longtemps perçu l’idéologie sous l’angle péjoratif d’une vision globale du monde qui n’est pas partagée par tous et qui cherche à s’imposer par des attitudes violentes dont on retrouve des manifestations ces dernières années?

Socialisme, syndicalisme et communisme :
un modèle allemand ?

Socialisme, communisme, social-démocratie

Du milieu du XIXe siècle à la Révolution russe de 1917, les mots « socialisme » et « socialiste » sont applicables à l’ensemble des organisations politiques ouvrières européennes qui veulent transformer la société pour la rendre plus égalitaire quels que soient les moyens d’y parvenir. Ces organisations sont réunies dans la Première (1864-1876) puis dans la Deuxième (1889) Internationales socialistes.

Il faut attendre 1917 pour que s’impose, à côté du terme « socialiste », celui de « communiste » désignant les partisans de la Révolution soviétique regroupés dans la Troisième Internationale créée par Lénine en 1919.

Mais bien avant 1917, le mouvement socialiste est déjà très divers. On y distingue deux grands courants : d’une part le socialisme « révolutionnaire » qui veut une transformation radicale et brutale de la société par la révolution et d’autre part le socialisme « réformiste » qui veut transformer progressivement et pacifiquement la société par des réformes graduelles et par la voie démocratique. Le premier courant s’inspire du marxisme, doctrine élaborée par Karl Marx (1818-1883) visant à mettre fin à la lutte des classes entre bourgeois et prolétaires et à instaurer la société sans classes et sans État par la révolution et la dictature du prolétariat. Le deuxième courant, moins idéologique, s’éloigne du marxisme, sans l’abandonner immédiatement, en suivant une démarche plus pragmatique.

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, le courant révolutionnaire et marxiste est appelé « social-démocrate » par opposition au socialisme réformiste. À partir de 1896, le marxisme devient la doctrine officielle de la Deuxième Internationale. Mais après la Révolution de 1917, le terme « social-démocrate » change de sens, il est repris par les socialistes réformistes qui refusent le modèle soviétique. La social-démocratie, tout en restant officiellement marxiste, s’oppose donc au communisme. Dans les années 1950-1960, les sociaux-démocrates rompent définitivement avec le marxisme. Seuls les communistes en revendiquent désormais l’héritage.

Syndicat, syndicalisme

Les syndicats qui, à la différence des partis, n’agissent pas dans le domaine politique mais dans le domaine économique et social pour défendre les intérêts des travailleurs - salaires, conditions et temps de travail principalement – se sont constitués parallèlement aux partis. Le mouvement syndical ouvrier s’est, selon les cas, tenu à distance ou rapproché des partis socialistes et comme eux, il a subi la même division entre réformistes et révolutionnaires. Les premiers privilégiant la négociation et le dialogue avec le patronat, les seconds optant pour des formes de revendications plus dures pouvant aller jusqu’à la grève générale.

Socialisme et syndicalisme en Allemagne

Le socialisme, le communisme et le syndicalisme allemands s’inscrivent dans ce cadre général mais avec ses spécificités chronologiques et doctrinales.

Le Parti socialiste allemand est remarquable par sa précocité : né en 1875, il est chronologiquement le premier parti socialiste européen. Son essor est ensuite spectaculaire jusqu’à la Première Guerre mondiale. En 1914, le SPD – Sozialdemokratische Partei Deutschlands, son nom depuis 1890 – est le plus puissant et le modèle des partis socialistes en Europe.

Le syndicalisme, plus tardif qu’en Grande-Bretagne, s’est organisé simultanément au parti socialiste à la fin du XIXe siècle. Il se développe lui aussi rapidement jusqu’en 1914.

Entre 1914 et 1945, socialisme et syndicalisme sont dans une phase critique. Ces années sont marquées comme ailleurs, par l’éclatement de la famille socialiste, provoqué par la Guerre et la Révolution russe – le KPD, Kommunistische Partei Deuschlands, naît en 1918, de ces divisions - mais aussi par la disparition des partis et des syndicats qui suit l’arrivée des Nazis au pouvoir en 1933.

La période de 1945 à nos jours voit d’abord la renaissance du socialisme et du syndicalisme en Allemagne et leurs mutations dans un contexte social et politique nouveau.

Sur le plan des idées, le socialisme et le syndicalisme allemands sont aussi remarquables par leur tendance précoce au réformisme. Les syndicats ouvriers allemands ont fait ce choix dès leur naissance. Le Parti socialiste est resté officiellement plus longtemps marxiste. En réalité, il a manifesté lui aussi très tôt des orientations réformistes, qui n’ont pas cessé de se renforcer par la suite jusqu’à la rupture définitive du SPD avec le marxisme en 1959.

L’Allemagne depuis 1875

L’Allemagne a achevé son unification nationale en 1871. Elle se dote alors d’un régime impérial semi-autoritaire : l’empereur nomme le chancelier impérial (équivalent d’un premier ministre) qui n’est responsable que devant lui. Les lois sont votées par un parlement (le Reichstag) élu au suffrage universel masculin direct qui ne peut pas renverser le gouvernement. L’empereur et le chancelier ont donc des pouvoirs considérables mais limités cependant par le parlement. Ce régime se maintient jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale. La défaite de 1918 provoque sa chute et l’avènement de la République de Weimar (du nom de la ville d’Allemagne du centre où est élaborée la constitution du régime en 1919). Cette république démocratique est à la fois présidentielle et parlementaire : le Président de la République est élu au suffrage universel direct (les femmes peuvent voter depuis 1918), il nomme le chancelier qui est responsable devant le parlement. Le parlement est élu au suffrage universel direct et peut donc renverser le gouvernement. La République de Weimar est remplacée en 1933 par le régime nazi. Ce régime totalitaire à parti unique (le parti nazi), dirigé par un Führer omnipotent, A. Hitler, disparaît en 1945.

De 1945 à 1949, l’Allemagne n’a plus d’État ni de souveraineté : elle est découpée en quatre zones d’occupation réparties entre les vainqueurs, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France à l’Ouest, l’URSS à l’Est. Berlin, situé en zone soviétique, est divisé en quatre secteurs. En 1949, dans le contexte de la guerre froide, l’Allemagne est partagée en deux États : les trois zones occidentales deviennent la RFA, la zone soviétique, la RDA. La RFA est une république parlementaire pluraliste, la RDA un régime de type soviétique à parti unique (le parti communiste). La fin de la guerre froide permet la réunification allemande en 1990, l’ex RDA est fondue dans la RFA démocratique.

L’Allemagne a donc connu en un peu plus d’un siècle, une gamme étendue de régimes différents, du totalitarisme à la démocratie. Les partis politiques ont subi une période d’interdiction majeure entre 1933 et 1945. Le parti communiste a par ailleurs été interdit en RFA de 1956 à 1968.

Le plan suivra cet ordre chronologique déterminé par la succession des régimes.

Problématique

InterrogationIl s’agit donc de comprendre quels ont été les facteurs et les modalités de l’évolution du socialisme et du syndicalisme en Allemagne et ce qui fait l’originalité du « modèle allemand » dans ce domaine.

Plan : traitement de la problématique

Notions clés

Compétences

Chapitre 1 : 1914 – 1945 : La phase critique du socialisme et du syndicalisme allemands

A. L’éclatement du SPD et l’évolution du syndicalisme entre 1914 et 1918

B. La division de la gauche allemande après 1918

C. L’impact de la crise et du nazisme

Spartakisme

Communisme

National-socialisme

Mise en contexte d’une affiche électorale

Chapitre 2 : 1945 à nos jours : La renaissance et les mutations du socialisme et du syndicalisme allemands

A. La difficile renaissance politique et syndicale

B. Le tournant de Bad Godesberg et ses conséquences

C. Les dernières mutations

Social-démocratie

Gauchisme

Cogestion

Social-libéralisme

Analyse de résultats électoraux

Analyse d’un programme politique


Modifié le: Wednesday 18 March 2020, 13:27