2.2 La morale

Qu’est-ce que la morale ? 

C’est un ensemble de jugements et de prescriptions concernant le Bien et le Mal dont se distingue l’éthique qui est la science de la morale. Faire le Bien sous toutes ses formes et éviter le Mal pareillement, voilà ce qui constitue les devoirs moraux. Mais, pourquoi faire le Bien et non le Mal comme se le demande Nietzsche ? Certes, une société comme ditHerbert Marcuse, a besoin d’un minimum de « sens moral », mail il est tout aussi vrai que la justification de ces devoirs pose problème. C’est ce qui explique sans doute que les penseurs se divisent en de multiples écoles. Si pour les uns, la morale repose sur l’intérêt : la morale utilitaire, certains sur le sentiment : la moral du sentiment ; d’autres enfin, considèrent que la raison suffit à fournir à la morale un fondement solide : la morale rationnelle.

 La morale utilitaire

C’est celle d’après laquelle ma vie morale est fondée sur mon intérêt, sur ce qui m’est utile. Selon W. James, « ce qui est bien, c’est ce qui est utile ». Il ne s’agit pas forcément de l’intérêt général. Cette morale est en effet au service de l’intérêt individuel. On retrouve cette morale utilitaire dans sa simplicité première à l’Ecole Cyrénaïque dont Aristippe est le principal représentant (390 B.C.). Pour cette école, l’avenir ne nous appartient pas, le présent seul est à nous. Profiter de tout plaisir qui est à notre potée sans choix constitue une fin. C’est cette morale du plaisir considéré comme le souverain bien qu’on appelle l’hédonisme. Cependant cette recherche du plaisir effréné peut mener sûrement et rapidement à la douleur. Ainsi, la doctrine hédoniste s’est-elle élevée à une forme supérieure : la morale de l’intérêt d’Epicure qui est hédoniste, mais d’un hédonisme très sévère et très rigoriste car tout plaisir n’est pas souhaitable. Cette morale consiste en ceci : un acte est bon quand il engendre une plus grande somme de plaisirs et la plus petite somme de douleurs. Il faut par conséquent calculer, choisir, prévoir les plaisirs. Pour Epicure, cette recherche du plaisir n’est pas aveugle.

En somme, l’homme fait le bien parce qu’il y trouve son compte. Mais s’il n’y a pas de bien que pour mes intérêts propres, cela veut dire que je peux tout me permettre. N’est-ce pas amoral, c’est à dire une négation de toute morale universelle ?

 La morale du sentiment

La conduite morale est dictée par des sentiments, des tendances qui nous poussent spontanément à faire le bien. Il ne s’agit pas de forcer sa nature, de la contraindre pour se soumettre de façon résignée à un devoir strict et transcendant, de calculer. Il faut plutôt être soi-même, céder à l’élan naturel du cœur. Contrairement à l’hypothèse de Hobbes, l’homme n’est pas pou Jean-Jacques Rousseau un loup pour son prochain mais trouve au fond de son cœur un instinct de bien. Rousseau croit à une inclination naturelle vers le bien. C’est dans la morale du sentiment qu’il faut également qu’il faut situer la morale ouverte de Bergson. En effet, on note deux types de morale chez lui : la morale et celle ouverte. La morale close désigne un ensemble figé de prescriptions présentant un caractère obligatoire. La morale ouverte, quant à elle, est dynamique ; elle exprime non point un système figé d’obligations sociales, mais une invention morale, un appel lié à une énergie spirituelle.

Cette morale prend sa source dans l’émotion, dans un élan vital (force et impulsion), créateur de valeurs nouvelles. Morales utilitaire et du sentiment établissent la conduite morale à partir de l’individu, de la nature humaine. Contre quoi Kant s’élève et propose une morale du devoir.

 La morale du devoir

La notion de devoir évoque dans notre esprit l’idée d’obligation. Le devoir, c’est ce que je suis tenu de faire, ce que je ne peux pas ne pas faire même si cela est contraire à mes intérêts. C’est donc quelque chose qui s’impose à moi. Cette force d’obligation qui accompagne le devoir provient de la sanction qui découle de son non observation. Par exemple, on est obligé de faire son travail sous peine de perdre son travail ou son salaire. Il y a donc dans le devoir une sanction qui me rend obligatoire. Cependant, pour ce qui concerne la morale, la sanction de la non-observation du devoir n’est pas explicite, elle n’est pas non plus extérieure à l’individu. La sanction de la non-observation du devoir moral est plutôt intérieure. Elle se traduit par la mauvaise conscience et apparaît comme une auto sanction. Une sorte de dédoublement est à l’intérieur de l’individu qui le met en face de lui-même et qui l’oblige à faire son devoir ou qui le blâme s’il ne le fait pas. Cette dernière est un tribunal intérieur chargé de juger ma conduite conformément au devoir.

La morale de Kant se situe dans cette perspective. Elle est un morale du devoir dont le principe est le bien absolu. Il réside dans la bonne volonté, dans l’intention de faire le bien seulement pour le bien quel que soit le résultat. L’action initiale est ici fondamentale. Le cadre de l’action, sa forme plus que son contenu est essentielle : c’est le formalisme kantien. Donc, ce n’est pas n’importe quelle intention de faire le bien qui relève de la morale. C’est plutôt la motivation de l’intention qui est déterminante. Si un intérêt préside à l’intention de faire une bonne chose, cette intention n’est plus la morale.

Il y a deux impératifs pour Kant :</td style='max-width: 520px; max-height: 100000px' >
<td> l’impératif hypothétique : qui commande l’action en tant que moyen permettant d’atteindre une fin et qui n’est pas moral pour lui ;
l’impératif catégorique : qui ne se soucie pas des conséquences qui commandent l’action parce que considérant que c’est cela le bien. Cette attitude qui fait du bien une fin en soi et jamais un moyen est appelée rigorisme kantien. Mais quand est-ce que je peux dire que j’agis pour le bien et seulement pour le bien ?

Kant répond par trois maximes :

Première maxime : « agis toujours de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en règle universelle ». Il s’agit de se dire : et si tout le monde faisait comme moi ? Je ne dois que si la réponse est positive. Deuxième maxime : « agis toujours de telle sorte que tu traites l’humanité en toi comme une fin et jamais comme un moyen ». Autrement dit, ne fais jamais à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît.
Troisième maxime : « agis toujours de telle sorte que tu considères ta volonté raisonnable comme instituant une législation universelle ». La condition de l’universalité de la loi morale, c’est que ma raison en toute souveraineté élabore pour moi la règle morale.

Modifié le: Wednesday 1 April 2020, 09:54