Politique Partie 2 S’exercer à réfléchir

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Étape 2

Etape 2

S’exercer à réfléchir

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Dans cette étape, il s’agit de s’exercer à réfléchir sur le domaine politique à partir d’une l’explication de texte et d’un sujet de dissertation.

A Identifier l’objet, le problème, la thèse
et le plan d’un texte de philosophie se rapportant au domaine de la politique

Il s’agit là des étapes essentielles d’une introduction dans le cadre de l’épreuve de l’explication de texte ; elles peuvent être précédées d’une phrase d’accroche permettant de retrouver le problème principal à partir d’un exemple pertinent, éventuellement tiré d’un roman ou d’une œuvre d’art (ce qui est aussi une manière de lui donner un visage concret). Parmi ces étapes, l’énonciation de la thèse est importante. Elle est particulièrement attendue du correcteur au baccalauréat. Mais pour la comprendre, il faut d’abord lire le texte en détail, et prendre en compte son mouvement d’ensemble.

1. Lire

Lisez attentivement cet extrait du livre II de La république de Platon ; les interlocuteurs sont ici Adimante et Socrate :

« [Socrate] : Selon moi, ce qui donne naissance à un État, c’est l’impuissance de chaque individu de se suffire à lui-même, et le besoin qu’il éprouve de mille choses ; ou bien à quelle autre cause un État doit-il son origine ?

[Adimante] : À nulle autre.

[Socrate] : Ainsi le besoin d’une chose ayant engagé un homme à se joindre à un homme, et le besoin d’une autre chose, à un autre homme, la multiplicité des besoins a réuni dans une même habitation plusieurs hommes pour s’entraider, et nous avons donné à cette association le nom d’État : n’est-ce pas ?

[Adimante] : Oui.

[Socrate] : Mais on ne fait part à un autre de ce qu’on a pour en recevoir ce qu’on n’a pas qu’en croyant y trouver son avantage.

[Adimante] : Oui, certes.

[Socrate] : Voyons donc ; jetons par la pensée les fondements d’un État. Ces fondements seront nécessairement nos besoins : or, le premier et le plus grand de tous, n’est-ce pas la nourriture d’où dépend la conservation de notre être et de notre vie ?

[Adimante] : Oui.

[Socrate] : Le second besoin est celui du logement ; le troisième celui du vêtement et de tout ce qui s’y rapporte.

[Adimante] : Il est vrai.

[Socrate] : Mais comment l’État fournira-t-il à tous ces besoins ? ne faudra-t-il pas pour cela que l’un soit laboureur, un autre architecte, un autre tisserand ? Ajouterons-nous encore un cordonnier ou quelque autre artisan semblable ?

[Adimante] : Il le faut bien.

[Socrate] : Tout État est donc essentiellement composé de quatre ou cinq personnes.

[Adimante] : Cela est évident.

[Socrate] : Mais quoi ! faut-il que chacun fasse le métier qui lui est propre pour tous les autres ? que le laboureur, par exemple, prépare à manger pour quatre et y mette par conséquent quatre fois plus de temps et de peine, ou vaudrait-il mieux que, sans s’embarrasser des autres, et travaillant pour lui seul, il employât la quatrième partie du temps à préparer sa nourriture, et les trois autres parties à se bâtir une maison, à se faire des habits et des souliers ?

[Adimante] : Peut-être, Socrate, le premier procédé serait-il plus commode.

[Socrate] : Je n’en serais pas surpris, car au moment où tu parles, je fais réflexion que chacun de nous n’apporte pas en naissant les mêmes dispositions ; que les uns sont propres à faire une chose, les autres à faire une autre. Qu’en penses-tu ?

[Adimante] : Je suis de ton avis.

[Socrate] : Les choses en iraient-elles mieux si un seul faisait plusieurs métiers, ou si chacun se bornait au sien ?

[Adimante] : Si chacun se bornait au sien.

[Socrate] : Il est encore évident, ce me semble, qu’une chose est manquée lorsqu’elle n’est pas faite en son temps.

[Adimante] : Oui.

[Socrate] : Car l’ouvrage n’attend pas la commodité de l’ouvrier ; mais c’est à l’ouvrier à s’occuper de l’ouvrage quand il le faut.

[Adimante] : Sans contredit.

[Socrate] : D’où il suit qu’il se fait plus de choses, qu’elles se font mieux et plus aisément, lorsque chacun fait celle à laquelle il est propre, dans le temps marqué, et sans s’occuper de toutes les autres.

[Adimante] : Assurément.

[Socrate] : Ainsi il nous faut plus de quatre citoyens pour les besoins dont nous venons de parler. Si nous voulons, en effet, que tout aille bien, le laboureur ne doit pas faire lui-même sa charrue, sa bêche, ni les autres instruments aratoires. Il en est de même de l’architecte auquel il faut beaucoup d’outils, du tisserand et du cordonnier. N’est-ce pas ? »

Platon, La république, livre II, 369b-370d, in Œuvres de Platon, t. 9,
trad. V. Cousin, éd. Rey et Gravier, 1833, p. 88-91,
http://remacle.org/bloodwolf/philosophes/platon/cousin/rep2.htm.

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Questions

1. Quel est l’objet, c’est-à-dire le thème principal de ce texte ?

2. Quelle est la thèse du passage ?

3. Pensez-vous que l’homme puisse vivre seul ?

4. Pensez-vous qu’il est souhaitable pour un citoyen, d’exercer une seule fonction (c’est-à-dire de n’avoir qu’un seul métier) au sein d’une cité ?

5. Considérez-vous que si les besoins sont au fondement de la cité, comme le soutient Platon, cela signifie que celle-ci se résume à n’être qu’un système d’échanges économiques ?

Éléments de réponse

1. Ce texte porte sur la division du travail au sein de la cité (ici « l’État »).

2. La thèse du texte est qu’une cité a besoin d’une division du travail, de façon telle que chacun ne produise pas tout ce dont il a besoin, mais plutôt de façon à ce que chacun produise, par son unique métier, une partie de ce dont tous ont besoin.

3. D’après ce texte, l’homme ne peut pas vivre seul. Il a besoin d’une cité, au sein de laquelle les échanges sont organisés sur le mode de la division du travail. L’homme n’est pas, tel Robinson Crusoé en situation d’autosuffisance : il faut qu’il échange avec les autres.

4. D’après ce texte, chacun doit exercer un seul métier et non plusieurs. Mais la façon dont les fonctions (les métiers) se répartissent entre les hommes au sein d’une cité est-elle toujours quelque chose de neutre, le résultat d’une distribution simplement formelle ? Ne peut-elle être, dans bien des cas, la cause ou l’effet d’une inégalité entre les hommes, et d’un certain rapport de domination des uns sur les autres ? La division technique du travail se mélange alors avec une division sociale. Si l’on songe en particulier à la distinction entre travail manuel et travail intellectuel, qui a prévalu et prévaut encore en partie dans les sociétés modernes, elle est hiérarchisante, c’est-à-dire qu’elle établit une hiérarchie en défaveur du travail manuel. Face à cela, ne pourrait-on envisager d’exercer chacun plusieurs métiers à la fois, dans une vie, dans une année, voire dans une journée ?

5. Certes, dès l’Antiquité, la cité – celle dont nous parlent Platon puis Aristote – prend sens autour de la notion de besoin (la cité organise les moyens de satisfaire les besoins vitaux des citoyens) ; mais elle ne s’y réduit pas, puisqu’il y a, dans la cité, une dimension politique d’exercice du pouvoir et, dans le cadre démocratique, de participation des citoyens à l’exercice de celui-ci. Et à l’époque moderne, il faudrait distinguer deux choses : d’une part, la société civile, comme lieu d’échanges économiques, et d’autre part l’État. Il y a État lorsqu’il y a un territoire et une population sur lesquels s’exerce un pouvoir, relativement centralisé et doté d’une administration. Celle-ci est de nature profondément juridique (elle ne se soumet pas seulement aux lois, elle en résulte). Les échanges économiques ont lieu au niveau de la société civile et non au niveau de l’État qui en est la garantie, notamment parce que, dans les sociétés modernes, il garantit le respect du droit individuel de propriété.

B Analyse et traitement d’un sujet de dissertation

Dans le cadre de cette séquence sur la politique, comment pourriez-vous analyser le sujet de dissertation suivant : Ce qui est légal est-il toujours juste ? 

► Essayez de définir les termes, d’élaborer un problème philosophique et un plan détaillé de la dissertation. Pour vous aider, efforcez-vous de répondre aux questions suivantes :

– Au nom de quoi une loi (de la cité) pourrait-elle ne pas être juste ? Avez-vous des exemples de lois injustes ?

– Dans l’hypothèse où l’on pourrait dire que des lois sont injustes, d’où pensez- vous que l’on tire l’idée de justice que l’on se fait et à partir de laquelle on s’estime autorisé à contester des lois ? Quelles sont les différents fondements possibles de la justice ?

– Si l’on admet la possibilité de l’existence de lois injustes, que peut-on faire pour les abroger (c’est-à-dire les supprimer) ? Et si le législateur (celui qui fait la loi) refuse de les abroger, cela justifie-t-il de désobéir voire de résister ?

Pour approfondir

Voyez ensuite sur cned.fr l’analyse de ce sujet de dissertation que propose Bruno Bernardi.

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Modifié le: Wednesday 18 March 2020, 14:30