La politique Bilan : récapituler


Étape 5

Etape 5

Bilan : récapituler

Trois aspects ont été principalement envisagés dans cette séquence :

A Retour sur la distinction entre droit naturel
et droit civil

(À l’étape 3-A)

Nous sommes partis des enjeux de l’opposition classique du droit et de la force, et des ambiguïtés de l’expression droit naturel. À cette occasion, nous avons vu à quel point il pouvait être difficile de distinguer droit et force, avec toujours le risque que la seconde ne réduise la première à rien, tout en empruntant éventuellement ses apparences et son vocabulaire pour en usurper le prestige.

Au cœur de ce moment, nous avons ensuite cherché à voir en quoi il était pertinent d’opérer une distinction entre droit naturel et droit positif, pour finalement envisager l’intérêt philosophique du positivisme juridique de Hans Kelsen, c’est-à-dire d’une certaine conception de la théorie du droit, qui, à l’inverse du jusnaturalisme, prétend ne pas avoir à recourir au droit naturel dans la description des normes juridiques.

Nous avons cherché à montrer en outre que certains des enjeux de la distinction entre droit naturel et droit positif se retrouvaient, sous une forme différente, dans l’activité du juge, qui s’appuie sur une diversité de sources du droit – prises dans une relation hiérarchique : la hiérarchie des normes –, mais qui semble parfois sortir de ce cadre afin d’intégrer des convictions morales à sa décision. Nous nous sommes alors arrêtés sur la spécificité de l’acte de juger – la « subsomption » – et sur les difficultés afférentes à un tel acte.

B Retour sur la question du meilleur régime

(À l’étape 3-B)

Par la suite, nous avons vu que la question de l’existence de la loi de la cité présupposait celle du législateur (qui fait la loi ?). Ce qui nous a conduits à nous interroger sur les institutions, et donc sur la meilleure organisation politique de celles-ci.

Il nous a cependant semblé que cette question de la détermination du meilleur régime était piégée ; car les principales voies qui auraient dû permettre d’y répondre nous ont semblé devoir être déconstruites : d’une part, le projet platonicien de la cité idéale (du fait de son manque de réalisme) ; et d’autre part, la proposition contractualiste (du fait du volontarisme dont elle s’autorise dans son appréhension des phénomènes sociaux et historiques).

À cette occasion, nous avons pu cerner la spécificité de l’approche institutionnaliste de Montesquieu, qui ne sélectionne pas un régime comme meilleur, mais nous pousse à chercher la logique propre à chacun d’entre eux au regard d’un ensemble de paramètres qui pèsent sur lui (climat, histoire, mœurs, etc.).

Tout au long de ce parcours, il nous a semblé important de faire apparaître et de maintenir l’exigence machiavélienne : prendre les hommes tels qu’ils sont et non pas tels qu’ils devraient être.

C Retour sur le statut de la démocratie

(À l’étape 4)

Malgré la force de l’approche institutionnaliste, qui semblait barrer dans son principe la voie à la question du meilleur régime, nous avons mis en avant plusieurs arguments en faveur du régime démocratique, ce qui nous a conduits à envisager plus particulièrement ce dernier par la suite.

Il a fallu alors distinguer entre une approche formelle et une approche réelle de la démocratie. Les deux ne s’opposent pas radicalement. Mais il est raisonnable de reprocher à la démocratie formelle certaines insuffisances.

La démocratie formelle reconnaît des droits fondamentaux (les droits de l’homme), la séparation des pouvoirs et la représentation en politique. Elle traite de la question de la justice distributive d’une manière purement « procédurale » (par exemple à la façon de Rawls), au risque de manquer la substance, c’est-à-dire la réalité des valeurs qu’implique l’idée de communauté (A. MacIntyre). Mais il nous est apparu que certaines fragilités, concernant la référence aux droits de l’homme ou la représentation en politique, pouvaient être mises en évidence. Il nous est surtout apparu, enfin, que la démocratie réelle est un processus qui intègre la désobéissance, la résistance, voire la révolution. La révolution peut elle-même rendre possible une démocratie formelle minimale (c’est le cas avec l’héritage de la Révolution Française) ; mais la révolution relève peut-être, ultimement, d’un élan transformateur dont le dynamisme ne saurait s’arrêter à telle ou telle forme statique de régime ou à telle ou telle disposition juridique, aussi protectrices soient-elles.

Un exemple de cet élan transformateur dont serait porteuse la révolution serait peut-être la question écologique. On est en tout cas en droit de se demander si l’écologie politique, c’est-à-dire la prise en compte de la problématique environnementale en politique, ne relève pas de l’une des dynamiques dont est porteuse la démocratie réelle ; et éventuellement même d’une dynamique de nature révolutionnaire, dans la mesure où il serait question, aux yeux de certains, de l’exigence d’une transformation radicale du rapport de l’homme contemporain à la nature.

Pour approfondir

Émission radio 8

Sur la question écologique, reportez-vous à l’émission de radio : Faut-il invoquer un droit de la nature pour fonder nos obligations envers elle ? proposée par Yvan Droumaguet.

Exercice complémentaire

Texte proposé pour une explication

« Les exigences de la vie en une société organisée n’interdisent à personne de penser, de juger et, par suite, de s’exprimer spontanément, à condition que chacun se contente d’exprimer ou d’enseigner sa pensée en ne faisant appel qu’aux ressources du raisonnement et s’abstienne de chercher appui sur la ruse, la colère, la haine : enfin, à condition qu’il ne se flatte pas d’introduire la moindre mesure nouvelle dans l’État, sous l’unique garantie de son propre pouvoir. Par exemple, admettons qu’un sujet ait montré en quoi une loi est déraisonnable et qu’il souhaite la voir abroger. S’il prend soin, en même temps, de soumettre son opinion au jugement de la souveraine Puissance (car celle-ci est seule en position de faire et d’abroger des lois), s’il s’abstient entre-temps de toute manifestation active d’opposition à la loi en question, il est – au titre d’excellent citoyen – digne en tout point de la reconnaissance de la communauté. Au contraire, si son intervention ne vise qu’à accuser les pouvoirs publics d’injustice et à les désigner aux passions de la foule, puis, s’il s’efforce de faire abroger la loi de toute manière, ce sujet est indubitablement un perturbateur et un rebelle. »

Spinoza, Traité des autorités théologique et politique (= Traité théologico-politique) in Spinoza, Œuvres complètes, trad. R. Caillois, M. Francès et R. Misrahi, éd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade).

Pour approfondir

Reportez-vous ensuite, sur cned.fr, à l’explication de ce passage proposée par Barbara de Negroni.


Modifié le: Wednesday 18 March 2020, 15:27