La morale Partie 4 Approfondir sa réflexion : qu’est-ce qu’une action libre ?

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Étape 4

Etape 4

Approfondir sa réflexion : qu’est-ce qu’une action libre ? (toutes séries)

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Pour aller plus loin dans la réflexion, il s’agira, au cours de cette nouvelle étape, d’interroger la notion de morale à partir, d’une part, de la leçon proposée par Jean-Michel Muglioni, intitulée L’action et, d’autre part, de celle proposée par Bernard Sève, intitulée : La Liberté. Une fois ce travail mené à bien, nous nous demanderons enfin, à partir d’un texte de Voltaire, si la liberté de l’action suppose nécessairement celle de la volonté.

Il est conseillé de lire avec attention, si possible en prenant des notes, chacune de ces deux leçons, puis de les reprendre pas à pas, à l’aide des questions de compréhension et de réflexion situées à la suite. Il est encore possible de s’appuyer, dès la première lecture, sur les exercices qui suivent afin de progresser dans la compréhension des deux leçons.

A L’action

1. Qu’est-ce qu’agir ?

Par opposition à la connaissance, la morale et la politique relèvent du domaine de l’action. Essayons d’en comprendre la nature en nous appuyant sur le début de la leçon de Jean-Michel Muglioni.

– On parle volontiers de l’action d’un gaz ou d’un liquide, ou encore d’un animal ; pourtant, au sens moral du terme, « seul l’homme agit ». Que présuppose en effet la capacité spécifiquement humaine d’agir ? Pourquoi l’opposition, en français, entre physique et moral, recouvre celle qui existe entre naturel et libre ?

– Quelles conséquences faut-il en tirer concernant les actions accomplies par l’homme, celles réalisées sur des hommes (plutôt que sur d’autres êtres naturels) et, enfin, celles menées par la coopération des hommes entre eux ?

– Qu’est-ce qui distingue les différentes formes d’actions possibles : le travail, l’art, la politique, la morale ? Faites un tableau en plusieurs colonnes, selon les critères retenus.

– En agissant, l’homme ne transforme-t-il que la nature ? Quelles sont par conséquent les différentes œuvres de l’action ?

2. Peut-on agir sans justice ?

Nous venons de voir qu’agir requiert la liberté d’une volonté disposant certains moyens afin de parvenir à des fins ou à des résultats. Il faut maintenant se demander si toute action est possible ou s’il existe des conditions, comme celle demandant de se conduire de manière juste. En quoi cependant la justice serait-elle nécessaire à l’action ? Afin de le savoir, nous pouvons nous appuyer sur un texte de Platon (extrait de la République, I, 351a sqq, traduction R. Bacou), en Annexe de la leçon de Jean-Michel Muglioni :

– Relevez les types d’actions proposées par Platon puis demandez-vous, pour chacune d’entre elles, ce que produit l’injustice. Pourquoi en effet l’injustice rend-elle incapable d’agir aussi bien des hommes ensemble qu’un homme seul ? (Pour vous aider, vous pouvez relire les analyses que Jean-Michel Muglioni consacre aux devoirs qui résultent du travail en société et, plus particulièrement, la sous-partie de sa leçon qui s’intitule : Travail et justice.

– Expliquez, en quelques lignes, la phrase suivante : « les hommes justes sont plus sages, meilleurs, et plus puissants dans l’action que les hommes injustes ».

– Donnez un exemple d’action juste accomplie par un homme seul et un autre pour des hommes agissant ensemble, puis proposez une définition des notions de justice et d’injustice.

– Pourquoi enfin l’amitié représenterait-elle un modèle de justice ? Peut-il y avoir de la justice sans amitié ? Afin de répondre à ces questions, demandez-vous ce que signifie la notion d’amitié à l’aide de la citation suivante :

« Ainsi chacun des deux amis à la fois aime son propre bien et rend exactement à l’autre ce qu’il en reçoit, en souhait et en plaisir : on dit, en effet, que l’amitié est une égalité, et c’est principalement dans l’amitié entre gens de bien que ces caractères se rencontrent. »

Aristote, Éthique à Nicomaque, VIII, 7.

3. Comment l’action morale se définit-elle ?

L’action suppose la liberté d’un agent faisant preuve de justice et, si elle ne soumet pas aux contraintes naturelles, elle n’est pas non plus sans conditions ni obligations. Pour approfondir cette réflexion, relisez la partie intitulée La moralité dans la leçon de Jean-Michel Muglioni et répondez aux questions suivantes :

– Pourquoi la morale s’oppose-t-elle en apparence à l’action libre ?

– En vous appuyant sur la distinction entre contrainte* et obligation*, expliquez pourquoi « nous nous sentons libres parce que nous nous savons obligés ».

– Que signifie l’expression : « noblesse oblige » ?

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► L’action n’est humaine que dans la mesure où elle n’est pas déterminée par des causes naturelles, mais qu’elle engage la responsabilité de celui qui s’en reconnaît l’auteur. C’est pourquoi il nous faut maintenant questionner davantage la notion de la liberté.

B La liberté

Bien qu’elle s’éprouve d’abord et de façon très simple dans les mouvements du corps (1.), la notion de liberté est doublement problématique. Si la nature qui nous entoure (et dont nous faisons partie) est déterminée par des lois, alors la liberté est-elle seulement possible ? (2.) En quoi consisterait-elle cependant (3.) et quelles en seraient les productions (4.) ? Pour approfondir ces pistes de réflexion, suivons donc les quatre parties de la leçon de Bernard Sève :

1. Liberté et mobilité : premières approches et définitions

Lisez attentivement la première partie de la leçon de Bernard Sève qui s’intitule Liberté et mobilité et répondez aux questions suivantes :

– Après avoir montré à quoi s’oppose la liberté, proposez une première définition de celle-ci. Distinguez néanmoins les notions de "contrainte" et d’"obstacle".

– A quoi la liberté d’un individu se mesure-t-elle par conséquent ? Que serait alors une liberté pleine et entière ?

– Pourquoi doit-on reconnaître que la liberté se travaille ? Est-elle par conséquent un état ou une conquête ? Distinguez en ce sens les termes de "liberté" et de "libération".

– La liberté de mouvement n’est-elle toutefois que l’absence d’obstacles ou de contraintes extérieurs ? Qu’est-ce qui permet d’expliquer les mouvements d’un animal ? Est-ce la même chose pour l’homme ? Que montre le mouvement de l’artiste en effet ?

2. Liberté et nature : une opposition irréconciliable ?

La liberté n’est-elle toutefois qu’une idée ? La volonté est-elle libre en effet ou déterminée par des causes qui nous échappent ? Afin de répondre à ces questions, il s’agira, dans les prochaines questions de s’interroger plus particulièrement sur la possibilité de la liberté humaine dans une nature soumise à des lois nécessaires (à l’aide de la deuxième partie de la leçon de Bernard Sève intitulée : Liberté et nature).

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– L’opposition entre nature et liberté :

Qu’est-ce que le principe de causalité ? En quel sens peut-on comparer l’homme à une machine ? Après avoir défini le déterminisme universel, indiquez-en les conséquences morales et juridiques.

(La séquence 4 sur La raison et le réel reviendra sur cette opposition entre nature et liberté pour l’envisager d’un point de vue épistémologique et non plus moral : étape 2).

– La problématique kantienne : (a) La question de l’espace et du temps et (b) les catégories de l’entendement

Dans un monde où tout ce qui arrive est explicable par des causes, la liberté ne semble pas avoir de place. Elle se définirait en effet comme une pure spontanéité, une cause absolue*, c’est-à-dire indépendante, qui ne serait pas elle-même l’effet d’une autre cause. Mais d’où les lois naturelles viennent-elles ? Sont-elles dans les choses ou bien dans l’esprit qui les connaît ? On voit ici que la question de la liberté nous oblige à nous demander comment nous savons que tout est déterminé dans la nature.

– La problématique kantienne : (c) L’antinomie de la liberté et (d) Solution de l’antinomie

Or qu’est-ce qui nous empêche de prétendre que tout ce qui arrive répond d’une cause ? Peut-on pour autant soutenir que la liberté existe ? Qu’est-ce qu’une antinomie et comment le philosophe Kant résout-il celle de la liberté ? Aidez-vous du repère : Contingent, nécessaire, possible* pour répondre à la dernière question et définir la liberté.

– La problématique kantienne : (e) « La loi morale nous apprend que nous sommes libres »

Pourquoi est-ce paradoxalement l’obligation morale qui nous apprend que nous sommes libres ? Etre libre, est-ce ne répondre d’aucune loi par conséquent, ou se reconnaître d’une nécessité supérieure à celle de la nature ? Appuyez-vous sur l’exemple du vol (qui apparaît un peu plus loin, en C-a) pour répondre à cette question.

Pour approfondir ce point

Lire l’explication d’un texte de K. Popper proposée à l’étape 6 de cette séquence.

– Limites et difficultés de la solution kantienne :

Si la physique classique de Newton défend la thèse du déterminisme, dans quelle mesure celle-ci est-elle aujourd’hui discutée ?

3. La liberté comme autodétermination

Maintenant que la possibilité de la liberté est établie, quelle nouvelle question nous faut-il envisager (d’après le préambule de la troisième partie de la leçon de Bernard Sève) ? Qu’est-ce qu’une compréhension « positive » de la liberté doit ajouter en effet à sa définition simplement « négative » ?

– Liberté et indifférence, l’âne de Buridan :

Distinguez situation d’indifférence et liberté d’indifférence afin de montrer pourquoi un être humain ne pourrait être réduit à subir le sort de l’âne de Buridan.

– La problématique cartésienne :

Lisez le texte de Descartes et les explications qui l’accompagnent afin d’expliquer pourquoi la liberté d’indifférence est à la fois le plus bas degré de la liberté et une forme positive d’affirmation de soi. Comment faut-il enfin reformuler le problème de la liberté ?

(Reportez-vous également à la séquence 4 sur La raison et le réel, étape 4-A/1(1) : l’erreur comme effet paradoxal de notre libre arbitre)

– La liberté comme création et vie :

Afin de faciliter la compréhension finale de la liberté entendue comme création et vie, vous pouvez étudier le texte suivant de Bergson qui est extrait du chapitre III de l’Essai sur les données immédiates de la conscience et répondre aux questions qui le suivent :

« Une colère violente soulevée par quelques circonstances accidentelles, un vice héréditaire émergeant tout à coup des profondeurs obscures de l’organisme à la surface de la conscience, agiront à peu près comme une suggestion hypnotique. À côté de ces termes indépendants, on trouverait des séries plus complexes, dont les éléments se pénètrent bien les uns les autres, mais qui n’arrivent jamais à se fondre parfaitement elles-mêmes dans la masse compacte du moi. Tel est cet ensemble de sentiments et d’idées qui nous viennent d’une éducation mal comprise, celle qui s’adresse à la mémoire plutôt qu’au jugement. Il se forme ici, au sein même du moi fondamental, un moi parasite qui empiètera continuellement sur l’autre. Beaucoup vivent ainsi, et meurent sans avoir connu la vraie liberté. Mais la suggestion deviendrait persuasion si le moi tout entier se l’assimilait ; la passion même soudaine, ne présenterait plus le même caractère fatal s’il s’y reflétait, ainsi que dans l’indignation d’Alceste1, toute l’histoire de la personne ; et l’éducation la plus autoritaire ne retrancherait rien de notre liberté si elle nous communiquait seulement des idées et des sentiments capables d’imprégner l’âme entière. C’est de l’âme entière, en effet, que la décision libre émane ; et l’acte sera d’autant plus libre que la série dynamique à laquelle il se rattache tendra davantage à s’identifier avec le moi fondamental. »

1. Alceste, personnage central du Misanthrope de Molière.

1. Quels exemples de contraintes l’auteur donne-t-il ? En quoi sont-ils paradoxaux ? En vous appuyant sur le modèle de l’éducation mal comprise, demandez-vous dans quelle mesure nous sommes asservis à nos habitudes.

2. En reprenant les trois exemples donnés par Bergson, montrez comment les mouvements qui nous sont d’abord imposés pourraient devenir libres. Expliquez la phrase : « c’est de l’âme entière (…) que la décision libre émane ».

3. L’acte libre est-il celui qui demeure dépourvu de cause ? Car faut-il opposer liberté et nécessité (intérieure) ?

4. Les œuvres de la liberté

Lisez attentivement la quatrième et dernière partie de la leçon de Bernard Sève qui s’intitule Les œuvres de la liberté et répondez aux questions suivantes :

– Après avoir défini la notion d’aliénation, indiquez quelles formes celle-ci peut prendre pour la liberté.

– Pourquoi la liberté consiste-t-elle d’abord à dire non ? Commentez la citation de Hegel : « la libre volonté est la volonté qui veut la volonté libre ».

– Suffit-il de savoir dire non pour être libre cependant ? A quoi la liberté se reconnaît-elle par conséquent ? Reprenez, en quelques lignes, les quatre œuvres de la liberté décrites à la fin de la leçon de Bernard Sève.

C La liberté est-elle une qualité de l’action 
ou de la volonté ?

Nous avons vu que l’action libre est celle qui exprime le mieux la volonté qui s’y réalise. Mais faut-il présupposer la liberté de la volonté pour penser celle de l’action ? Pour envisager ce problème, lisez plusieurs fois attentivement le texte de Voltaire ci-dessous, puis répondez aux questions.

Ce travail de lecture constitue une première approche de la méthode de l’explication de texte philosophique.

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« A. — En quoi consiste donc votre liberté, si ce n’est dans le pouvoir que votre individu a exercé de faire ce que votre volonté exigeait d’une nécessité absolue ? (…)

B. — En ce cas, mon chien de chasse est aussi libre que moi ; il a nécessairement la volonté de courir quand il voit un lièvre, et le pouvoir de courir s’il n’a pas mal aux jambes. Je n’ai donc rien au-dessus de mon chien ; vous me réduisez à l’état des bêtes. (…) Quoi ! je ne suis pas libre de vouloir ce que je veux ?

A. — Avec votre permission, cela n’a pas de sens ; ne voyez-vous pas qu’il est ridicule de dire, je veux vouloir ? Vous voulez nécessairement en conséquence des idées qui se sont présentées à vous. Voulez-vous vous marier, oui ou non ? (…)

B. — Je veux me marier.

A. — Ah ! c’est répondre cela. Pourquoi voulez-vous vous marier ?

B. — Parce que je suis amoureux d’une jeune fille, belle, douce, bien élevée, assez riche, qui chante très bien, dont les parents sont de très honnêtes gens, et que je me flatte d’être aimé d’elle, et fort bien venu de sa famille.

A. — Voilà une raison. Vous voyez que vous ne pouvez vouloir sans raison. (…) Il serait plaisant qu’il y eût des cas où vous voulez parce qu’il y a une cause de vouloir, et qu’il y eût quelques cas où vous voulussiez sans cause. Quand vous voulez vous marier, vous en sentez la raison dominante évidemment (…)

B. — Mais, encore une fois, je ne suis donc pas libre ?

A. — Votre volonté n’est pas libre, mais vos actions le sont. Vous êtes libre de faire quand vous avez le pouvoir de faire. »

Voltaire, Dictionnaire philosophique portatif.

Questions

1. Reprenez l’argumentation générale de l’extrait.

2. Dégagez la thèse du texte.

3. Formulez la problématique.

4. Expliquez les passages suivants à partir de leur contexte :

a. « libre de vouloir ce que je veux »

b. « vous voulez nécessairement en conséquence des idées qui se sont présentées à vous »

c. « Vous êtes libre de faire quand vous avez le pouvoir de faire »

5. Commentaire critique : À quels obstacles la liberté se heurte-t-elle ?. Formulez le problème, reprenez la position de Voltaire, puis discutez-la.

Éléments de réponse

Mémo - Aide mémoire1. L’argumentation se présente sous la forme d’un dialogue entre deux personnages qui soutiennent des thèses contradictoires. Si A représente la théorie du déterminisme et se fait donc le porte-parole de l’auteur, B apparaît au contraire comme le défenseur du libre-arbitre. Afin de préciser le sens du mot "liberté", Voltaire en donne d’abord une première définition, en opposant "liberté de pouvoir" et "liberté de vouloir". Puis, deux exemples sont discutés, celui du chien de chasse et celui du prétendant amoureux, afin de montrer qu’il n’existe pas de différence de nature entre l’homme et la bête. Dans les deux cas, des causes déterminent en effet le comportement. Et, contre une prétendue liberté d’indifférence, l’auteur réaffirme l’existence de causes nécessaires qui expliquent la conduite humaine. Enfin, précisant le sens de sa première définition, Voltaire affirme que si la liberté est l’absence de contraintes extérieures, elle n’est pas une qualité de la volonté mais seulement de l’action.

Mémo - Aide mémoire2. Dans cet extrait du Dictionnaire philosophique portatif, Voltaire soutient la thèse du déterminisme universel et réfute la croyance au libre-arbitre. La liberté de faire une chose n’est pas encore la liberté de la vouloir. Qu’il dispose ou non des moyens de l’exécuter, l’homme n’est jamais indifférent à préférer un choix plutôt qu’un autre.

3. La liberté se définit généralement comme l’absence de contraintes extérieures et la capacité de faire ce que l’on veut. Mais suffit-il de ne rencontrer aucun obstacle dans la réalisation d’un projet pour prétendre que rien ne pousse à le vouloir plutôt qu’un autre ? Bien qu’elle semble libre, la volonté est en effet déterminée par des motifs intérieurs et apparaît alors comme le résultat de causes nécessaires. Ainsi, la capacité de faire ce que l’on veut signifie-t-elle le pouvoir de le choisir ? En quoi consiste sinon la véritable nature de la liberté ?

4. a. En réponse au personnage A qui prétend que la volonté est déterminée, B affirme qu’il est « libre de vouloir ce que [il] veu[t] ». Scandalisé par l’analogie* faite entre l’homme et la bête, il soutient l’existence d’un libre-arbitre compris comme pouvoir absolu de choisir, sans cause ni raison. Sans une telle puissance faisant de l’homme une exception dans la nature, il faudrait renoncer en effet à la dignité ainsi qu’à la responsabilité morale. Car, comparable à l’animal pouvant courir si ses pattes le lui permettent mais ne pouvant contrôler ses pulsions, l’homme serait l’otage de ses désirs ou de ses idées.

b. Mais, pour réfuter cette croyance au libre-arbitre, A fait une analogie entre l’homme et l’animal. Tout comme le chien est déterminé à suivre un lièvre par son instinct de carnivore, le comportement de B obéit à des causes nécessaires : « vous voulez nécessairement en conséquence des idées qui se sont présentées à vous ». En vertu d’un déterminisme psychologique et social, les motifs et les mobiles qui poussent B au mariage sont des causes suffisantes, au même titre que les instincts des animaux. Il n’y a donc pas de différence de nature entre l’homme et la bête mais seulement de degré. L’homme n’est qu’un automate perfectionné.

c. Mais la liberté n’a-t-elle aucun sens ? La dernière phrase du texte reprend et précise la définition donnée par l’auteur à cette notion : « Vous êtes libre de faire quand vous avez le pouvoir de faire ». La liberté n’est en effet rien d’autre que l’absence de contraintes extérieures et il ne faut pas accorder à cette conception de la liberté un quelconque pouvoir de choisir. Un corps est dit en chute « libre » lorsque rien n’arrête son mouvement, bien que celui-ci soit entièrement déterminé par la pesanteur, c’est-à-dire par la loi de la gravitation universelle. De même, B sera libre de se marier s’il ne l’est pas déjà et si la jeune femme dont il est épris l’aime en retour, mais il ne sera en aucun cas libre de décider de « tomber » amoureux d’elle.

5. On définit communément la liberté comme l’absence d’entraves, mais les principaux obstacles à la liberté ne sont-ils qu’extérieurs ? Et, si la volonté est toujours déterminée, être libre, est-ce agir sans cause ou bien suivre la raison la plus juste ?

La liberté se heurte tout d’abord à des obstacles physiques ou matériels, c’est-à-dire aux lois de la nature. Mais il existe encore des contraintes morales ou psychologiques. Le tyran par exemple est soumis à des pulsions et apparaît donc lui-même comme « tyrannisé » par ses désirs déréglés. (Reportez-vous à l’étape 3 C/2 de cette séquence).

► Texte 11

Dans sa Lettre à Schuller, Spinoza montre qu’une pierre qui prendrait conscience de sa chute en dévalant une pente s’imaginerait libre de tomber, simplement parce qu’elle ignorerait la cause de son mouvement. C’est ainsi que le jeune homme en colère croit vouloir librement se venger alors qu’il est déterminé par son irritation.

Si l’homme n’est pas libre, est-il cependant dépourvu de toute responsabilité morale ? Et la véritable liberté consiste-t-elle à faire des choix arbitraires, c’est-à-dire absurdes ?

Si le libre-arbitre n’existe pas, dans la mesure où l’homme obéit toujours à une idée dominante, cela ne revient pas à supprimer le poids de ses choix. Etre libre ne consiste pas à vouloir n’importe quelle chose, mais à réfléchir au contraire à ce qui nous paraît le plus juste. Ainsi, un acte libre n’est pas un acte accompli sans cause ni raison, suite à un coup de tête aussi capricieux qu’incompréhensible, mais un acte dont on comprend la justesse ainsi que la justice.

Il n’y a donc pas de liberté sans raison et, loin de s’opposer à la nécessité, le plus haut degré de liberté coïncide paradoxalement avec la détermination la plus forte, parce que consentie intérieurement. Comme le montre bien la notion de l’autonomie, nous ne sommes pas libres en refusant la loi mais en en comprenant le bien-fondé. C’est par la réflexion que l’on surmonte la force des désirs.

Le débat entre tenants du déterminisme et défenseurs du libre-arbitre doit donc être dépassé au profit d’une conception plus juste de la liberté. Celle-ci ne consiste pas en effet à agir arbitrairement, c’est-à-dire sans cause ni raison, mais à suivre le choix le plus raisonnable. Etre libre requiert par conséquent une recherche constante du vrai et un authentique souci de s’approcher le plus possible de ce qui pourrait être considéré comme un authentique bien moral.

Pour approfondir la critique de la représentation commune de la liberté entendue comme absence de contraintes, vous pouvez écouter l’émission radiophonique où Jean-Marie Tréguier s’interroge sur La liberté.

Émission radio 3


Modifié le: Wednesday 18 March 2020, 15:46